Un petit ver marin, Odontosyllis phosphorea, a toujours intrigué marins et scientifiques par sa bioluminescence. La reproduction de ce phénomène dans le cadre expérimental pourrait ouvrir la porte vers d’étonnantes perspectives.
Bien des organismes vivants peuvent se prévaloir de bioluminescence, et ceci dans des buts variés, attirer un compagnon ou une proie, effrayer un prédateur voire, pour quelques animaux marins, se camoufler. Lorsque l'on vit entre deux eaux et à profondeur moyenne, en effet, on devient facilement repérable par ceux qui, nageant plus profondément, voient nettement se découper une silhouette sombre en contre-jour sur la surface des flots.
Le cas de Odontosyllis phosphorea est très particulier, car ce ver marin a intrigué les navigateurs au long cours depuis l’antiquité par les vagues de phosphorescence verte qu’il émet, souvent par flashes, illuminant la mer juste sous la surface durant certaines nuits correspondant très exactement aux changements de phase lunaire.
Le show débute 30 à 40 minutes après le coucher du Soleil, et dure de 20 à 30 minutes durant lesquelles les femelles libèrent leurs gamètes en pleine eau, que viennent féconder les mâles attirés par la lumière.
Le ver marin Odontosyllis phosphorea observé au microscope. Crédit Scripps Institution of Oceanography
Une bioluminescence très efficace
Jusqu’ici, rien de bien surprenant, simplement une admirable mise en scène de Dame nature… Mais récemment, les scientifiques ont déterminé que les vers juvéniles, sexuellement immatures, se joignaient au concert lumineux et émettaient la même phosphorescence verte. Pourquoi ? Il est vraisemblable que ces manifestations lumineuses n’ont pour autre objet que d’effrayer les prédateurs, ou les distraire en les éloignant du lieu de reproduction, le temps que les vers se dispersent, mission accomplie.
Les vers de O. phosphorea sécrètent un mucus vert capable de produire cette puissante bioluminescence durant plus d’une heure. Intéressés par ces propriétés, Dimitri Deheyn et Michael Latz, biologistes et chercheurs du Scripps Institution of Oceanography (université de Californie à San Diego), avec l’appui de l’Air Force Office of Scientific Research's Biomimetics, ont entrepris une série de tests en laboratoire afin d’en étudier le fonctionnement.
Gros plan sur la bioluminescence de Odontosyllis phosphorea. Crédit : Scripps Institution of Oceanography
Les expériences comprennent des essais à différentes températures et sous divers taux d’oxygène dissous, constatant que la bioluminescence reste possible à des températures aussi basses que -20°C, tandis qu’une élévation de chaleur en fait baisser l’intensité.
Les chercheurs pensent que le procédé chimique impliqué met en action une protéine spécifique appelée photoprotéine, dont l’identification et la description exactes feront l’objet de futures études. « Nous avons été inspirés par le travail des premiers chercheurs à avoir étudié la chimie de la bioluminescence des vers, tel Osamu Shimomura, l’un des lauréats du Nobel de Chimie en 2008 pour sa découverte de la protéine responsable du système luminescent vert de la méduse », précise Michael Latz.
Les résultats de ces recherches pourraient aboutir sur de nouveaux systèmes émetteurs de lumière à très haut rendement, applicables notamment en microélectronique et nanotechnologie.