Chapitre II
La prolifération cellulaire et les
intégrines
La prolifération cellulaire sert à agrandir un organisme en
taille, en parallèle de la croissance cellulaire.
Fig. 2.1 La prolifération des cellules provenant des
tissus (les cellules adhérentes) n’a lieu qu’en
présence de deux signaux : ceux générés par la molécule
d’adhésion et ceux émis par les récepteurs de facteurs de
croissance :
EGF : epidermic growth factor
PDGF : platelet derived GF
FGF : fibroblast GF
VEGF : vascular endophilium GF
TGFa : transforming
Pour réaliser une culture cellulaire, il faut ajouter le
sérum (issu de la coagulation du sang) car pendant la
coagulation, les plaquettes relarguent le PDGF mais aussi un
grand nombre de ces facteurs. L’addition de facteurs de
croissance aux cellules adhérentes que l’on a détachée de
leur support et mise en suspension induit des effets à court
terme mais n’aboutira pas à une réponse proliférative.
Pour cela, les cellules ont besoin d’être attachée à la
matrice extracellulaire soit par de la fibronectine, collagène
ou laminine ou encore à de la vitronectine. Fig. 1.15 et 2.1
L’apport du signal 1 par les récepteurs des facteurs de
croissance se fait par l’activation de RAS. La plupart des
récepteurs pour les facteurs de croissance sont des protéines
qui contiennent un seul segment transmembranaire et un domaine
intracytosolique qui porte une activité Tyrosine kinase
(phosphorylation). Fig2.3 La liaison du facteur de croissance à
son contre-récepteur induit la dimérisation des récepteurs, un
phénomène qui entraîne l’activité Tyr Kinase
intrinsèque (=l’activité est liée de façon covalente aux
récepteurs).
Les deux récepteurs s’interphosphorylent, et
deviennent ainsi activés. Ils peuvent alors interagir avec des
effecteurs en aval. L’ensemble de ces cascades de réaction
constitue la transduction du signal. En effet, le signal est
traduit (change de forme) et transmis (extraà intra). Une des effecteurs en aval est
le RAS, le membre le plus connu des petites protéines liant le
GTP. Ces molécules ressemblent aux grandes protéines
hétérotrimériques liant le GTP (comme la protéine G) qui sont
associées aux récepteurs des hormones comme l’adrénaline.
Ces molécules oscillent entre deux formes, une liée au GTP
(activée) et l’autre au GDP (inactive). Elles conduisent et
distribuent le signal sous la forme liée au GTP et interrompent
le signal sous la forme liée au GDP. Leur mode d’action
rappelle celui d’un commutateur, c’est pourquoi on les
appelle commutateurs cellulaires.
Fig. 2.4
RAS-GTP à conduction signal
ß hydrolyse automatique Ý échange (et pas phosphorylation)
RAS-GDP à interruption signal
L’hydrolyse est catalysée par la Guanine activiting
protein GAP.
L’échange est catalysé par la Guanine exchange protein
GEP.
Il existe beaucoup de RAS (rat’s sarcome). Il
existe des mutations qui rendent RAS active constitutivement car
GAP n’arrive pas à hydrolyser le GTP. On conserve alors
RAS-GTP d’où la tumeur.
Il existe aussi une famille RHO : RAS homologue. Les
récepteurs de facteurs de croissance activent le GEF (ou GEP) de
façon indirecte avec pour conséquence l’activation
d’une GTPase. Il y a plusieurs familles de GTPases qui
chacune sont constituées de plusieurs membres : famille
RHO, RAS, RAN, ARF… Il y a aussi plusieurs GEF et plusieurs
GAP, chacune spécifique d’une GTPase. L’activation de
RAS est indispensable pour conduire le signal vers
l’intérieur de la cellule.
Rôle de la GTPase RHO dans le regroupement des
intégrines :
Fig. 2.5
L’attachement de la cellule à la matrice extracellulaire
entraîne le regroupement des molécules d’adhésion, en
particulier les intégrines (voir fig1.7 et 1.8). Les intégrines
se fixent alors aux protéines de la ECM en reconnaissant la
séquence RGD (Arginie-Glycine-Aspartate). Ce regroupement est
dépendant de la présence de facteurs de croissance, qui par
l’occupation de leurs récepteurs fournissent le signal 1.
Les récepteurs des facteurs de croissance activent d’une
façon non encore comprise la molécule RHO A. RHO A, à son
tour, active le processus de regroupement des intégrines
(clusters). RHO A est un membre de la famille des petites
GTPases. Le rôle clé de RHO A dans l’attachement et
l’étalement de la cellule a été montré en injectant un
inhibiteur de RHO A directement dans les cellules. En absence de
RHO A, les cellules ne forment plus de contacts focaux (les
clusters d’intégrines ne sont pas formés). La molécule C3
est un inhibiteur de RHO A.
La formation des contacts focaux :
Le regroupement des intégrines induit la création des
contacts focaux où la matrice extracellulaire est mise en
contact avec le cytosquelette. Un complexe de protéines se
forment autour des clusters d’intégrines.
Fig. 2.7
D’abord la taline s’attache aux intégrines,
ensuite, la vinculine s’attache à la taline et à l’a-actinine qui à son tour se lie à
l’actine du cytosquelette.
Fig. 2.6.2
La présence de vinculine dans les contacts focaux est
dévoilée grâce à des anticorps fluorescents. Le cytosquelette
forme des fibres de stress qui traversent la cellule de part en
part, d’un contact focal à l’autre, ce qui rigidifie
la cellule.
Fig. 2.6.4 : l’inhibition de l’activité
GTPasique de la RHO A empêche la formation correcte des contacts
focaux, ce qui a pour conséquence que les cellules ne
s’étalent pas comme elles le devraient et ne mettent pas en
route le cycle cellulaire.
La protéine kinase des contacts focaux FAK
(focal adhesion kinase)
fig2.8
La formation des clusters d’intégrines induit la
formation de complexes protéines structurales (vinculine…)
mais aboutit également à la fixation de la FAK. C’est une
Tyrosine Kinase qui se fixe à la taline. Une fois attachée,
elle est activée par une phosphorylation effectuée par une
autre TyrK. FAK activée transmet le signal d’adhésion vers
la molécule RAS, par l’intermédiaire de l’activation
de la GEF. On a alors le signal 2 de la prolifération.
Les signaux convergent sur RAS :
Ils sont transmis vers le noyau pour activer le cycle
cellulaire. En présence des deux signaux, l’activation de
RAS est continue et déclenche le processus de prolifération
cellulaire, initiée par la réplication de l’ADN. Tous ces
éléments prennent quelques heures. Les deux évènements
essentiels dans ces voies de signalisation sont :
- l’activation des protéines kinases activées par le
mytogène, à savoir les MAP-Kinases (mytogen activited
kinase)
- l’activation de RHO A
MAP kinase est phosphorylée sur un résidu Thréonine et sur
un résidu Tyrosine puis migre vers le noyau. La phosphorylation
ouvrirait un signal qui dirige MAP-K vers le noyau. C’est la
translocation. Dans le noyau, MAP-K active les facteurs de
transcription par phosphorylation qui induisent l’expression
des gènes codant pour les cyclines D et E. ces cyclines
s’associent avec leurs protéines K (les cycline dependant
kinase CDK) et les complexes mettent en route la progression vers
la phase G1 et prépare la cellule pour la réplication de
l’ADN.
Fig. 2.10
RHOA-GTP permet l’inactivation du p21waf/cip,
qui est un inhibiteur des cyclines D et E.
Le cellule a besoin d’un autre signal, qui passe par
RHOA. RHOA inhibe en fait l’expression de p21wap/cip.
Dès que p21wap/cip disparaît du milieu
intracellulaire, MAP-K peut alors activer les cyclines D et E et
le cycle cellulaire démarre.
Les oncogènes :
Fig2.11
Des mutations des gènes impliqués dans la formation des
signaux 1 et 2 ou la surexpression de leurs produits augmentent
la probabilité d’avoir le cancer. Lorsque ces gènes sont
mutés ou surexprimés dans un cancer, ils sont appelées
oncogènes. Les mutations trouvées dans ces gènes sont souvent
des mutations qui modifient la protéine en sorte qu’elle se
trouve en permanence sous une configuration activée (mutation
gain de fonction). La surproduction de leurs produits ou les
mutations gain de fonction font croire aux cellules que leurs
récepteurs aux facteurs de croissance sont activées en
permanence et que la cellule est attachée, et leur demande de
proliférer sans cesse. Il s’en suit la formation
inappropriée d’une masse cellulaire, la tumeur. La
présence des oncogènes change également le phénotype des
cellules et on dit que la cellule devient transformée. En
réalité, cela veut dire que les cellules ne sont plus
dépendantes pour leur croissance, ni de facteurs de croissance
ni d’être attachées à la matrice extracellulaire et que
les cellules ne sont plus inhibées par les contacts
cellule-cellule et enfin que les cellules peuvent proliférer
indéfiniment.
Les gènes impliqués :
Fig. 2.10 2.11
Au niveau du signal 1, on connaît 2 oncogènes : le
C-sis (cellular-simian sarcoma virus) qui code pour un facteur de
croissance (PDGF) en surproduction. Ce facteur PDGF est très
puissant chez le fibroblaste ; et l’oncogène C-ErbB
(erythroblastosis) qui permet la surproduction du récepteur
muté au EGF qui signalise même si le facteur n’est pas
fixé.
Au niveau du signal 2 : Fig. 2.8 : une phosphatase
appelée PTEN déphosphoryle FAK et ainsi contrôle le signal en
provenance des contacts focaux. Dans certaines tumeurs, il
n’y a pas d’activité PTEN et donc FAK, une fois
phosphorylée, le reste et devient constitutivement active. Dans
les cellules en provenance de ces tumeurs, l’adhérence
n’est plus indispensable pour induire la prolifération
cellulaire par les facteurs de croissance. Les cellules sont
transformées et poussent sans besoin d’ancrage. on connaît
aussi un autre oncogène, apporté par un facteur d’échange
du GTP (GEF) de RHOA aboutissant à une activation constitutive
de RHOA. Dans ces tumeurs, cette mutation est un Diffuse
B-cell lymphoma. L’oncogène est appelé Dbl.
L’activation constitutive de RHOA a pour conséquence une
activation du complexe des contacts focaux et une inhibition de
l’expression de p21wap/cip.
Il existe aussi des oncogènes en relation avec les signaux
1+2. La mutation du gène codant pour RAS est une des mutations
les plus fréquentes impliquées dans le cancer. RAS est le point
de convergence des 2 signaux, contacts focaux et récepteurs des
facteurs de croissance. Dans sa forme mutée, RAS devient
constitutivement active et fait croire aux cellules qu’il y
a continuellement des signaux provenant des récepteurs aux GF et
aux contacts focaux . Il existe plusieurs oncogènes liés
à cela : N-RAS, H-RAS, K-RAS (rat sarcoma).