Les AnnélidesLes Annélides modifient l'architecture eucoelomate que nous avons découverte chez les Mollusques en la poussant un peu plus loin. Au lieu d'avoir un coelome et toutes les structures qui lui sont associées, ils ont une série d'unités répétées qui contiennent chacune une cavité interne remplie de fluide. Cet arrangement d'unités répétées donne une apparence segmentée aux Annélides, une homologie sérielle. Cette transformation de l'architecture est appelée métamérisation, et chaque segment produit est un métamère.
Dans la forme ancestrale, tous les métamères sont semblables, et les structures dérivées de l'ectoderme et du mésoderme sont
répétées dans chaque segment. On peut presque considérer chaque segment comme un organisme indépendant, avec son propre système excréteur, des muscles circulaires et longitudinaux servant à faire fonctionner le squelette hydrostatique, et un ganglion pour coordonner les influx
nerveux dans le métamère. On retrouve également une paire de métanéphridies pour filtre le fluide coelomique et éliminer les déchets métaboliques, et des gonades paires dans la paroi du septa de chaque métamère.
Figure : Coupe latérale de la partie antérieure d'un lombric illustrant les organes internes. © BIODIDACCependant, les structures dérivées de l'endoderme ne sont pas métamériques. L'apparition d'un tube digestif complet peut être considéré comme un grand progrès dans l'évolution animale car elle permet une spécialisation des différents sections et une meilleure digestion. Toutefois, cela cause un problème potentiel pour les segments adjacents à la partie antérieure du tube digestif où la digestion n'est pas commencée, et pour les segments les plus postérieurs recevant une nourriture déjà complètement digérée et sans valeur nutritive. Le développement d'un système
circulatoire fermé qui alimente toutes les parties du corps
permet de résoudre ce problème.
Le succès des Annélides est attribué en grande partie à leur squelette
hydrostatique segmenté. Chaque partie du corps peut changer
de forme sans affecter les autres. Chez les vers de terre (Oligochaete), le
diamètre et la longueur de chaque segment peut varier indépendamment. Chez les vers marins (Polychaetes) chaque coté peut bouger indépendamment.
Architecture et Classification
Les Annélides sont un des rares embranchements à avoir colonisé l'environnement marin, dulcicole et terrestre. C'est le groupe d'animaux vermiformes qui a en moyenne la plus grande taille. On attribue ce succès à la présence d'un coelome véritable. Notez que près de 90% des espèces vivant actuellement possèdent un véritable coelome (Annélides, Mollusques, Arthropodes, Chordés). Un autre facteur qui peut expliquer le succès des Annélides est la métamérisation, ou la division du corps en plusieurs unités (appelées des métamères ou segments).
Figure : Éléments métamériques chez les Annélides.
Les annélides ont un corps segmenté. Chez les membres les plus primitifs les métamères sont presque tous semblables. Ces métamères dérivent du mésoderme, et les organes mésodermiques sont arrangés de façon métamérique: muscles, système circulatoire, système respiratoire, système osmorégulateur et les gonades. Par contre, les organes qui dérivent de l'endoderme, comme le tube digestif, ne sont pas métamériques.
Chez le lombric, ou ver de terre, chaque métamère est séparé par des cloisons d'origine mésodermique: les septa. Cette division du coelome en compartiments indépendants permet d'améliorer l'efficacité du squelette
hydrostatique. Elle permet également à l'animal d'effectuer des ondulations lentes et un mouvement péristaltique. L'épiderme des Annélides
forme également des soies ou des parapodes qui sont utilisées pour la locomotion.
Figure : Segmentation du corps du ver de terre, Lumbricus terrestris
Chez le lombric, les segments sont apparemment semblables extérieurement, sauf les deux premiers et le dernier. Le premier segment, situé devant la bouche, est appelé le prostomium. La bouche est située sur le deuxième segment, le péristomium. Le dernier segment, quant à lui, est appelé le pygidium.
La paroi corporelle des Annélides est formée de plusieurs couches. Il y a une cuticule
secrétée par l'épiderme sous-jacent. Sous l'épiderme se trouve une couche de
muscles circulaires, et une couche de muscles longitudinaux.
Il y a
trois classes principales d'Annélides. Les Polychètes (du grec polys=
plusieurs, et chaete= soie ou long poil) sont caractérisés par la présence de
nombreuses soies souvent portées sur des parapodes de formes très variables. Les Oligochètes (du grec oligos= peu) ont des soies réduites ou de très petite taille et ne possèdent pas de parapodes. Les Hirudinées (du latin hirudo= sangsue), ou sangsues, sont aplatis dorso-ventralement et ont des ventouses sur le prostomium et le pygidium.
Locomotion La métamérisation du coelome permet un nouveau type de mouvement: le mouvement péristaltique. L'acquisition de ce moyen de locomotion a
permis aux premiers Annélides de coloniser un milieu auquel les autres
organismes vermiformes n'avaient pas accès, soit les sédiments riches en
matière organique, et pourrait être à l'origine de leur succès.
Le mouvement péristaltique fait intervenir le squelette hydrostatique et les soies.
La contraction des muscles circulaires d'un segment provoque son allongement et la rétraction des soies ce qui fait avancer l'extrémité antérieure du segment.
Ensuite, les muscles longitudinaux se contractent. Cette action est accompagnée de l'extension des soies qui s'ancrent dans le substrat, et le segment se raccourcit en tirant vers l'avant l'extrémité postérieure du segment. Cette action se propage de l'avant vers l'arrière du ver lui permettant d'avancer.
Notez que la contraction des muscles circulaires provoque l'étirement des
muscles longitudinaux et vice-versa. L'enfouissement est facilité par
l'ingestion des sédiments.
Figure : Coupe transversale de la paroi corporelle d'un ver de terre illustrant les soies et la musculature associée. Les parapodes des Polychètes errants leur permettent de marcher rapidement à la surface des sédiments et de se déplacer dans des tunnels. Les ondulations du corps permettent également de se servir des parapodes comme des rames et de nager. Les soies jouent un rôle important dans la locomotion et permettent à l'animal de s'ancrer pour exercer une poussée.
Figure 59 : Locomotion chez Nereis, un Polychaete. Les ventouses des Hirudinées leur permettent de ramper sur les substrats durs comme la chenille arpenteuse (un mouvement qui rappelle celui du jouet Slinky). Les sangsues peuvent également nager en faisant onduler leur corps aplati.
Figure : Locomotion chez la sangsue (Hirudinae). Respiration et circulation La respiration chez le lombric se fait par diffusion au travers de la cuticule
perméable. Les glandes de l'épiderme produisent continuellement du mucus qui maintient la surface humide, et permet ainsi à l'oxygène de diffuser vers
l'intérieur de l'animal.
La forme relativement massive des Annélides nécessite une circulation efficace de l'oxygène et des éléments nutritifs. Chez les lombrics, le système
circulatoire fermé est formé de capillaires entourant le tube
digestif, de vaisseaux sanguins longitudinaux qui parcourent tout le corps, et
de coeurs latéraux qui pompent le sang dans le système circulatoire. Le sang des lombrics contient un pigment respiratoire qui augmente l'efficacité du transport de l'oxygène: l'hémoglobine. Ce pigment est en solution dans le sang, et n'est pas contenu dans des cellules spécialisées comme chez les Vertébrés.
Les Polychètes marins qui vivent dans des terriers ou des tunnels ont plus de difficulté à se procurer de l'oxygène. Ils possèdent souvent des branchies, et la surface des parapodes est fréquemment impliquée dans les échanges respiratoires. Les mouvements du ver dans son tunnel font circuler l'eau et aident à renouveler l'oxygène.
Alimentation et digestion Figure : Coupe latérale du lombric illustrant les différentes parties du tube digestif.
Les lombrics sont des détritivores qui ingèrent la terre et en retirent le matériel organique. Leur pharynx musculeux leur permet d'avaler la terre qui est par la suite broyée dans le gésier. Le bol alimentaire voyage le long du tube digestif grâce aux contractions des muscles entourant l'intestin qui provoquent le péristaltisme.
La paroi du tube digestif forme un repli dorsal, le typhlosole, qui augmente la surface de contact entre les aliments ingérés et la surface de diffusion des aliments digérés.
Les Polychètes peuvent également être des détritivores fouisseurs, mais certains sont des suspensivores et d'autres des prédateurs. Les sangsues sont la plupart des détritivores et des prédateurs. Certaines se nourrissent du sang des Vertébrés (elles sont hématophages). Ces dernières ont typiquement un jabot et de nombreux caeca qui servent à emmagasiner le sang dont elles se gorgent, ce qui leur permet de survivre entre deux repas éloignés.
Excrétion et osmorégulation Figure : Métanéphridie d'un lombric. © BIODIDAC
La présence du fluide coelomique facilite l'excrétion des déchets métaboliques. Le fluide est constamment filtré par les métanéphridies. Les
Annélides possèdent deux métanéphridies par segment. Chaque métanéphridie est composée d'un néphrostome cilié qui s'ouvre dans le segment précédent et qui fait circuler le liquide coelomique dans un tubule qui est entouré de capillaires. Chaque métanéphridie s'ouvre vers l'extérieur par un néphridiopore par lequel sont rejetés les déchets métaboliques. Chez le lombric, les déchets azotés sont rejetés principalement sous forme d'urée. Il y a réabsorption partielle des sels et de l'eau le long du tubule, mais les métanéphridies ne constituent pas un système osmorégulateur très efficace.
Système nerveux Figure : Coupe latérale de la partie antérieure du lombric illustrant la concentration des structures nerveuses dans la tête (céphalisation).
Le système nerveux des Annélides est bien développé avec une concentration de ganglions à l'extrémité antérieure (céphalisation) et une corde nerveuse ventrale qui se ramifie en nerfs segmentaires ou périphériques dans chaque segment.
Les structures sensorielles sont réduites chez le lombric, mais comprennent des organes photorécepteurs. La base des soies est fréquemment innervée et ces structures servent également d'organes mécanorécepteurs. Les Polychètes prédateurs, tels
Nereis, ont des yeux mieux développés.
Reproduction
La reproduction chez les Annélides est sexuée, et ces animaux sont généralement hermaphrodites. Le système reproducteur est bien développé et comprend plusieurs testicules et ovaires. Lors de l'accouplement, le sperme est transféré d'un individu à l'autre et stocké dans le réceptacle séminal où il est entreposé. La fertilisation des oeufs a lieu après l'accouplement. Le transfert du sperme se fait le long de deux sillons formés par des replis de la cuticule ce qui réduit les chances d'autofertilisation.
Figure : Accouplement chez le ver de terre. Chez les
Oligochètes et les Hirudinées, les
oeufs sont relâchés dans un cocon secrété par le clitellum. Le sperme est alors
relâché dans le cocon et la fertilisation y a lieu. Le cocon, où éclosent les
oeufs, glisse ensuite vers la tête avec un tube de mucus. Lorsqu'il y a une
larve dans le cycle vital, elle est de type trocophore.
source:Département de biologie, Université d’OttawaBIO 2525 - Hiver 2003