L'embranchement
des Arthropodes est celui qui a le plus de succès sur notre planète.
On retrouve des Arthropodes en abondance dans tous les habitats, des
pics de montagne neigeux aux fosses abyssales, et des déserts aux forêts
tropicales. La caractéristique principale de ce groupe est la présence
d'appendices articulés (grec Arthron= articulation) et d'un
exosquelette. Ce dernier est formé d'une
cuticule qui recouvre entièrement l'extérieur de l'animal et même la portion antérieure et postérieure du tube digestif.
Architecture et classification
La
cuticule, qui est sécrétée par l'épiderme, est rigide. Elle est composée de deux couches principales:
l'épicuticule et la
procuticule (subdivisée en
exocuticule et
endocuticule). La rigidité de la cuticule provient de la procuticule composée de
chitine (hydrate de carbone similaire à la cellulose) dans une matrice de
protéines. L'ensemble est durci (tanné) par l'action de phénols oxydés
en quinones qui relient la matrice de fibrilles de chitine aux autres
protéines de l'endo et exocuticule. Cette réaction est appelée
sclérification. Chez les
Crustacés s'ajoutent des dépôts de carbonate de calcium et de phosphate de
calcium. L'épicuticule est formée de protéines et de cires hydrophobes
(surtout chez les Insectes); son rôle est d'imperméabiliser la cuticule.
Figure 69. La cuticule des Arthropodes. La mince épicuticule est imprégnée de cires qui l'imperméabilisent. © BIODIDAC
Comparativement au
squelette hydrostatique des
Annélides, par exemple,
l'exosquelette des Arthropodes est beaucoup plus robuste et permet des mouvements plus
efficaces. Toutefois la sécrétion de la cuticule exige un
investissement d'énergie considérable, et le squelette ajoute beaucoup
de poids à l'animal. La présence d'un exosquelette ne permet pas une
croissance continue; les Arthropodes doivent donc
muer.
Les Arthropodes ont en commun une organisation
métamérique avec une spécialisation de certaines régions du corps
(tagmose),
la présence d'appendices pairés et de pattes articulées.
L'embranchement se divise en trois sous-embranchement principaux d'après
le type d'appendices: les Chélicérates, les Crustacés et les Uniramés.
Figure 70. Tagmes d'un Chelicerate. © BIODIDAC
Les
Chélicérates sont représentés par la classe des
Arachnides (araignée, scorpion, tique, limule). Ces animaux n'ont pas d'antennes et sont munis de
chélicères qui portent un croc qui sert à injecter le venin. Leur corps est divisé en deux parties: le
prosome (tête et thorax) et
l'opisthosome (abdomen) reliés par un rétrécissement du corps, le pédicelle. Les Arachnides ont 4 paires de pattes
uniramées.
Figure 71. Tagmes d'un Crustacé. © BIODIDAC
Les
Crustacés (homard, copépode, balane) sont les maîtres du milieu marin. Leurs corps est généralement divisé en deux tagmes: le
céphalothorax et
l'abdomen. Ils possèdent deux paires d'
antennes, des
mandibules, deux paires de
maxilles et des branchies sur les segments de l'abdomen. Leurs appendices sont
biramés et sont souvent similaires sur la majorité des segments
(homologie sérielle).
Figure 72. Tagmes d'un Insecte. © BIODIDAC
Les
Insectes font partie du sous-embranchement des Uniramés, avec les millipèdes et
centipèdes. Ils sont caractérisés par la présence d'une seule paire d'
antennes, de
mandibules,
de une ou deux paires de maxilles, et de trois paires de pattes. Leur
corps est divisé en trois tagmes: la tête, le thorax, et l'abdomen. La
plupart des Insectes ont deux paires d'ailes sur le thorax.
Locomotion
L'exosquelette et la présence d'appendices articulés procure aux Arthropodes un avantage locomoteur marqué sur les animaux
vermiformes.
D'une part, l'exosquelette procure la rigidité nécessaire au
mouvement, fournit des points d'attache solides pour les muscles et des
points d'appui pour des mouvement de levier. D'autre part, les
appendices permettent à l'animal de se déplacer sans avoir à utiliser
toute sa musculature comme chez les animaux qui dépendent d'un squelette
hydrostatique.
Figure 73. Musculature du thorax et de la patte associée à la marche. © BIODIDAC
Les articulations des arthropodes ne permettent
des mouvements que dans un seul plan (comme la reliure d'un livre). Par
contre, les appendices sont composés de plusieurs unités dont les
articulations sont orientées dans différents plans ce qui permet de
déplacer l'extrémité de l'appendice dans toutes les directions.
Figure 74. Patte d'un Arthropode illustrant les plans de flexion de chaque articulation.
Les insectes qui ont des ailes (
ptérygotes)
ont un grand avantage car ils peuvent se déplacer rapidement sur de
grandes distances. Les insectes les plus primitifs (comme les
libellules) se servent de muscles antagonistes et de leviers pour
mouvoir leurs ailes . Les insectes les plus évolués (les mouches et les
abeilles) utilisent des muscles qui ne sont pas directement attachés à
l'aile, mais plutôt au thorax. Leur action entraîne une déformation du
thorax qui actionne les ailes. L'avantage de cette approche est que le
système entre en résonnance et réduit ainsi la dépense musculaire.
Respiration et circulation
La
cuticule réduit énormément les échanges gazeux ou osmotiques au niveau de
l'épiderme. Les Arthropodes sont donc munis d'organes spécialisés pour
acquérir de l'oxygène.
Figure 75. Détail du poumon interne d'une araignée. © BIODIDAC
Les araignées ont un
poumon interne qui est composé de feuillets de tissus disposés comme les
feuilles d'un livre, ce qui permet d'augmenter la surface de contact.
Le poumon est ventilé par les mouvements de l'abdomen et l'action du
squelette hydrostatique interne.
Les
Crustacés ont des branchies protégées par la carapace qui forme une chambre
branchiale. Les crabes terrestres ont des branchies beaucoup plus
petites que ceux qui sont aquatiques, ce qui leur permet de réduire les
pertes d'eau. Ces crabes ne peuvent toutefois vivre dans l'eau, leurs
branchies ne leur permettant pas d'extraire suffisamment d'oxygène.
Figure 76. Le système trachéen d'un insecte. © BIODIDAC
Les
Insectes ont un système respiratoire unique et extrêmement efficace: le système trachéen. La
cuticule est percée de pores, les spiracles munis de poils hydrophobes. Ces
pores mènent à un réseau de trachées et de trachéoles qui peuvent
occuper près de 50% du volume interne de l'insecte. Les trachéoles se
ramifient en tubules qui entourent les muscles et les organes. Ces
tubules sont remplis de fluide trachéolaire. La ventilation est assurée
par des sacs aériens qui pompent ou expulsent l'air suivant les
mouvements et contractions de l'animal. Dans les tissus très actifs,
comme les muscles alaires, les métabolites sécrétées font augmenter la
pression osmotique entre les cellules. Le fluide contenu dans les
tubules est aspiré par osmose dans les tissus, ce qui crée une pression
négative dans les trachéoles qui vont aspirer l'air de l'extérieur. Le
fluide permet les échanges gazeux et augmente l'efficacité du système.
Les Arthropodes ont un
système circulatoire ouvert,
leur sang n'est donc pas continuellement dans les vaisseaux sanguins
mais baigne les organes internes. Le coeur pompe le sang (hémolymphe)
contenu dans la
cavité péricardique par les
ostia et le propulse vers les différentes régions du corps. La cavité
interne est divisée par des diaphragmes, ce qui induit des courants et
réduit le mélange du sang nouvellement pompé et celui déjà présent dans
la cavité interne.
Figure 77. Anatomie interne de l'écrevisse. © BIODIDAC
L'hémolymphe des Arthropodes peut contenir des
pigments respiratoires qui augmentent l'efficacité du transport de
l'oxygène et du gaz carbonique vers les organes respiratoires. Les
insectes n'ont typiquement pas de pigments respiratoires; leur
système trachéen est suffisamment efficace pour qu'ils puissent s'en passer.
Alimentation et digestion
On retrouve toutes les stratégies alimentaires
chez un groupe aussi vaste et diversifié que les Arthropodes. Ces
spécialisations alimentaires sont typiquement associées à des
adaptations au niveau des appendices buccaux et du tube digestif.
Seule la partie centrale du tube digestif est
utilisée pour la digestion car les parties antérieure et postérieure
sont recouvertes de cuticule.
Les araignées sont des prédateurs qui paralysent leurs proies à l'aide de venin injecté par les crocs des
chélicères.
Elles injectent alors leurs enzymes digestives dans la proie et sucent
ensuite le liquide produit. Elle peuvent emmagasiner la nourriture
dans des caeca.
Les
Crustacés sont typiquement filtreurs (zooplancton) ou détritivores (écrevisse,
homard). Leurs appendices servent à créer un courant qui amène les
particules à la bouche.
Les pièces buccales des insectes sont modifiées,
parfois de façon surprenante, selon le type d'alimentation. Par
exemple, la sauterelle est un brouteur qui possède de fortes mandibules
très sclérifiées qui résistent à l'abrasion causée par la silice
contenue dans les tissus de nombreuses plantes. Le moustique possède
une trompe piqueuse qui lui permet d'injecter un anticoagulant et
d'aspirer le sang. Le papillon a une longue trompe suceuse.
Figure 78. Modification des pièces buccales chez
les Insectes. Le moustique (en haut à gauche) a des appendices
piqueurs. La mouche (en bas à gauche) des pièces buccales lécheuses. Le
papillon (à droite) a une trompe lui permettant d'aspirer le nectar. ©
BIODIDAC
Excrétion et osmorégulation
L'excrétion se fait par des organes spécialisés,
et la forme sous laquelle les déchets azotés sont éliminés est
généralement liée à l'environnement où l'animal vit. Les araignées ont
des glandes coxales et éliminent leurs déchets sous forme d'urée ou
d'acide urique. Les
Crustacés ont des glandes antennaires et éliminent leurs déchets azotés sous forme d'ammoniac.
Figure 79. Glande antennaire de l'écrevisse. © BIODIDAC
Figure 80. Schéma illustrant l'excrétion des déchets azotés par les tubes de Malpighi. © BIODIDAC
Les Insectes ont un organe caractéristique: les
tubes de Malpighi.
Les déchets azotés sont rejetés sous la forme de cristaux d'acide
urique qui précipitent dans l'intestin à cause du faible pH. Ils
peuvent donc éliminer les déchets azotés avec un minimum de pertes
d'eau.
Cycle biologique
La reproduction chez les Arthropodes est sexuée et les animaux sont
dioïques. Il y a généralement plusieurs stades larvaires dont la morphologie et l'écologie diffèrent de celles du stade adulte (
métamorphose).
Chez les
Insectes, la métamorphose peut être
complète ou
incomplète.
Chez les sauterelles, par exemple, la métamorphose est incomplète et
les larves ressemblent beaucoup aux adultes (moins les ailes et les
organes génitaux). Par contre, chez les mouches et les papillons, la
métamorphose est complète. La larve est très différente de l'adulte, et
il y a un stade
pupe au cours duquel la métamorphose s'effectue.
Défenses
L'exosquelette est la première ligne de défense des Arthropodes. Leur petite taille
et leur agilité peut également servir à tromper leurs prédateurs. En
fait, tous les moyens sont bons et se retrouvent chez certains
représentants du groupe: mimétisme, venin, acides, mauvais goût, épines,
etc.
Écologie
Les Arthropodes jouent un rôle important dans les chaînes alimentaires de tous les habitats. En milieu aquatique, les
Crustacés planctoniques permettent les transferts d'énergie des plantes aux poissons. En milieu terrestre, les
Insectes compétitionnent avec l'Homme pour la nourriture et sont vecteurs de
multiples parasites, comme Plasmodium l'agent responsable de la
malaria .
Le grand succès des insectes peut s'expliquer
par plusieurs facteurs. Leur petite taille leur permet de coloniser des
microhabitats. Le vol est un moyen de défense et leur permet de se
disperser facilement pour trouver de la nourriture ou exploiter des
ressources temporaires. Leur exosquelette imperméable (grâce à
l'épicuticule cireuse) offre protection contre les prédateurs et contre la
dessiccation, et offre un support qui permet une locomotion efficace.
La métamorphose et les différences entre les larves et les adultes
permettent de réduire la compétition intraspécifique pour des ressources
limitées. La grande fécondité et la multiplication rapide des Insectes
leur permet d'exploiter les ressources alimentaires rapidement avant
que d'autres animaux en bénéficient, augmentant ainsi les chances de
survie de l'espèce. Enfin, leur association avec les plantes à fleur et
la coévolution de ces deux groupes leur a permis d'exploiter une source
de nourriture abondante et variée.
© 2002
Antoine Morin